Qu’est-ce que les clients attendent d'un restaurant durable ?

Pour une restauration durable, cohérence et transparence sont les maîtres mots. Les clients soucieux de mieux consommer veulent en effet avoir la certitude de partager des valeurs communes avec les établissements où ils ont leurs habitudes.

Les produits au cœur des attentes clients

Pour satisfaire une clientèle en quête d’une restauration durable, il faut prendre en compte plusieurs critères afin de sélectionner les ingrédients qui composent votre menu.

Le fait maison

Et lorsque les clients pensent à un établissement écoresponsable, ils pensent en premier lieu à la nourriture qui va leur être proposée. Celle-ci se doit notamment d’être réalisée sur place. « Pour moi, un restaurant durable, c’est un lieu où l’on va déguster du fait maison », confirme Mélanie, une cliente sensible à la démarche durable des restaurateurs.

En effet, pour les clients, le fait maison est synonyme de :

  • produits frais,
  • cuisine meilleure pour la santé,
  • sourcing minutieux des produits,
  • réduction des emballages.

Des éléments particulièrement importants pour un restaurant durable.

L’origine des produits

Le deuxième axe important pour les clients des restaurants durables c’est l’origine des produits cuisinés. « Tout n’a pas besoin d’être bio », explique cependant Charlotte qui travaille dans le secteur et fréquente presque exclusivement des restaurants écoresponsables. « Par contre je suis très attentive à l’origine des produits. Se fournir localement est essentiel pour un restaurant écoresponsable et il est important de communiquer clairement sur l’origine des produits, notamment de la viande ou du poisson. »

De la même manière, pour être parfaitement cohérent et crédible avec votre démarche durable, vous devez éviter de proposer des produits exotiques venus de loin comme l’avocat, la mangue ou la papaye.

Enfin, défend Manon, le local se joue aussi sur la carte des boissons. « Aujourd’hui, de nombreuses marques locales proposent des alternatives aux boissons sans alcool comme les sodas. » Pourquoi s’en priver ?

Des ingrédients de saison

« Une salade de tomates en hiver ? C’est le genre de proposition qui me fait rebrousser chemin », annonce Doriane, pour qui la saisonnalité des produits détermine l’engagement durable du restaurateur.

Car un fruit ou un légume d’été servi au mois de janvier a :

  • soit parcouru des milliers de kilomètres pour atterrir dans son assiette,
  • soit été congelé,
  • ou été produit dans une serre chauffée.

Autant de possibilités qui vous éloignent de votre objectif de durabilité et rebutent les clients les plus avertis.

Une cuisine anti-gaspi

Chaque année, le secteur de la restauration commerciale est responsable de 20 % du gaspillage alimentaire du pays, soit 2 millions de tonnes de nourriture gaspillée (chiffres Statista pour 2021).

La cuisine anti-gapillage fait donc partie des attentes des clients soucieux de l’environnement. Comme le confirme Hugo, « la gestion du gaspillage alimentaire est un véritable sujet, même si l’option de doggy bag est de plus en plus courante, je privilégie les restaurants qui servent des quantités raisonnables ».

Pour cela, plusieurs éléments sont à prendre en compte :

  • une bonne gestion des stocks,
  • des portions adaptées,
  • une carte courte,
  • mais aussi une cuisine maline qui fait la part belle aux produits cuisinés dans leur intégralité.

Des propositions végétales

La production de viande et d’œufs demande plus d’eau que celle de céréales et de légumineuses. C’est pourquoi la cuisine végétale est une alimentation plus respectueuse de la planète.

Dans votre restaurant durable, pensez à proposer des plats tournés vers le végétal, « voire des alternatives véganes », défend Charlotte. Pour Souen, elle aussi sensible à l’engagement des restaurateurs, il faut que « ces alternatives végétales soient aussi délicieuses que les propositions carnées ».

Optez pour des propositions végétales sur votre carte rendra également votre établissement plus attractif à cette typologie de clients.

Défendre un engagement clair

Proposer une démarche cohérente

L’autre élément incontournable d’un restaurant durable selon les clients est la cohérence. En effet, ne proposez pas une cuisine bio et de saison si celle-ci est servie dans de la vaisselle jetable par exemple.

Pour limiter l’impact de votre restaurant au-delà de l’assiette de vos clients, plusieurs solutions peuvent être mises en place :

Trier les déchets

« J’attends le tri des déchets : compost – verre – papiers. Mais surtout un véritable engagement sur la réduction de ces derniers », défend Charlotte. D’ailleurs, depuis le 1er janvier 2024, le tri des biodéchets est obligatoire. À vous d’opter pour la solution adaptée à votre restaurant : collecte ou compost.

Réutiliser l’eau

« Et pourquoi ne pas mettre en place un système de récupération d’eau ? », suggère toujours Charlotte. Ce dernier pourra ainsi alimenter les chasses d’eau des toilettes ou permettre d’arroser les plantes.

Mettre en place une consigne

Proposer un système de consigne dans des contenants en verre ou des contenants biodégradables est aussi une piste plebiscitée. « À Nantes on a un système de consignes en réseau de plusieurs restaurants par exemple », se réjouit Manon.

S’associer avec des plateformes responsables

Manon précise que, pour elle, la cohérence consiste aussi à éviter les dark kitchen ou le recours à des systèmes de livraison à domicile comme Deliveroo ou Uber Eats. Elle préfère « la plateforme Naofood qui fait un peu la même chose mais avec une vraie politique sociale pour les livreurs, qui sont en vélos ».

Chiner sa décoration

La cohérence doit aussi se retrouver en salle, défend Souen qui apprécie « les lieux qui misent sur le réemploi en choisissant des meubles de seconde main ».

Et pour aller plus loin :

  • Optez pour la diversité et faites preuve de cohérence avec vos valeurs en ouvrant des postes à des personnes éloignées de l’emploi.
  • Choisissez des produits d’entretien écologiques et respectueux de la santé de vos clients et de vos collaborateurs.

Mettre en place des initiatives originales

Les restaurants durables peuvent aussi devenir de véritables lieux de vie. Des espaces d’expérimentation et de sensibilisation aux enjeux liés au climat, à l’alimentation durable et à la solidarité.

Pour devenir un acteur durable et engagé, voici 2 initiatives originales à mettre en place dans votre établissement :

Créer du lien social

Pour ouvrir son établissement au plus grand nombre, Souen imagine « l’organisation d’ateliers de cuisine zéro déchet avec les habitants du quartier » ou « la mise en place de plats/cafés suspendus ou d’un tarif étudiant pour permettre à tout le monde de venir se restaurer ».

Transmettre des pratiques culinaires durables

« Je serai très curieuse de découvrir un établissement qui propose de la cuisine low-tech », confie Mélanie. Pour cela, vous pouvez imaginer de proposer une cuisine sans énergie ou presque, qui met en avant la cuisson au four solaire ou à la marmite norvégienne lors d’un événement exceptionnel.

Mettre en avant votre démarche

Adopter une démarche durable dans votre restaurant, c’est bien, mais il est essentiel que vos clients connaissent vos engagements. Rendez-les visibles à votre clientèle à travers une communication claire.

Obtenir un label

Pour rassurer vos clients et confirmer votre démarche, l’obtention d’un label est une bonne solution. Il en existe plusieurs, tels que le label Écotable, Green Food, la Clef Verte ou le label Framheim « Engagé anti-gaspi ».

À vous de déterminer lequel correspond le mieux à votre établissement et à effectuer les démarches nécessaires pour obtenir un label.

En plus de prouver votre bonne foi, le sticker à apposer sur votre vitrine donnera une information précieuse aux passants. «  La vitrine en dit long sur un restaurant. C’est d’ailleurs souvent en passant et en découvrant la décoration, l’ambiance et les différents labels présentés sur la devanture que je fais le choix de pousser la porte ou non  », confirme Florian.

Communiquer sur vos engagements écoresponsables

Via les réseaux sociaux

De nombreux clients sont en quête d’une restauration plus engagée. Ils ont donc besoin d’informations claires pour sélectionner une adresse qui correspond à leurs attentes.

Pour vous démarquer, misez sur vos réseaux sociaux et détaillez votre philosophie en description : fast-food végétarien, restaurant écoresponsable, restauration durable… Idem sur votre site internet où vous pouvez développer davantage et préciser vos engagements et votre vision de la cuisine durable. « Il m’arrive de plus en plus de choisir un restaurant après avoir consulté sa page Instagram, un chef qui expose ses choix responsables me donnera envie de goûter sa cuisine », confie Mathilde.

Dans votre restaurant

Valorisez aussi votre démarche au sein de votre établissement. Sur votre carte ou au comptoir, n’hésitez pas à mentionner votre écoresponsabilité. Attention cependant, veillez à être parfaitement honnête et transparent sur votre démarche. Cela fait aussi partie des attentes de votre clientèle éco-friendly.

Un restaurant durable, ce n’est pas seulement une cuisine écoresponsable. C’est un lieu où les valeurs écologiques doivent rayonner de façon globale. Faites preuve de cohérence dans votre concept pour rassurer votre clientèle sur la sincérité de votre démarche.


Restauration durable : tendances, défis et solutions accessible

L’alimentation des Français représente 16 à 24 % de leur empreinte carbone selon l’ADEME. Entre innovations, tendances et réalités économiques, Rémy Lucas, psychosociologue de l’alimentation et fondateur du cabinet de conseil Cate Marketing, décortique le rôle crucial du secteur de la restauration dans la transition écologique.

Quelle place occupe la restauration durable en France en 2024 ?

Je constate une envie des restaurateurs d’être plus vertueux. Cela se ressent dans tous les types d’établissements, que ce soit en termes de RSE ou de durabilité de l’alimentation. On a envie de faire différemment d’autrefois. Et ce constat est particulièrement vrai pour les chaînes. Les indépendants, eux, se disent qu’on vient chez eux pour leurs valeurs, leur cuisine et leur personnalité. Les chaînes en revanche ont davantage à prouver.

L’alimentation durable est-elle amenée à se généraliser ?

L’alimentation durable fait partie des préoccupations des consommateurs. Cependant dans un contexte économique d’inflation, les Français restent attentifs à leurs dépenses.

Alimentation durable vs alimentation abordable

Si les consommateurs sont de plus en plus sensibles aux enjeux écologiques et humains, ils sont aussi de plus en plus nombreux à plébisciter les enseignes qui proposent des prix bas. Le nombre croissant d’offres pour manger à 5 euros le prouve bien.

L’argent est aujourd’hui le sujet de préoccupation numéro 1 des Français. Et si manger pas cher et vertueux est parfois possible, c’est le plus souvent contradictoire. Les restaurateurs sont donc tiraillés entre deux voies différentes. C’est l’arbitrage du moment.

Deux clientèles différentes

Les consommateurs sont des zappeurs, mais les dernières études montrent qu’une partie importante de la population, 15 à 20 % des consommateurs, sont régis par leur argent. C’est-à-dire qu’ils sont contraints. Pour eux, les considérations écologiques relèvent du luxe.

Une autre partie des consommateurs avec assez de pouvoir d’achat va aller manger pas cher un jour et bio et labellisé le lendemain.

Trouver un terrain d’entente

Les solutions qui fonctionnent sont celles qui profitent à tout le monde. En revanche, les solutions qui ne coûtent qu’à un camp, restaurateurs ou consommateurs, ne sont pas vouées à se développer. Personne ne souhaite sacrifier son confort et sa manière de vivre.

Les clients sont prêts à manger moins de viande, des poissons différents, moins de fraises quand ce n’est pas la saison… Ils sont matures sur ces changements, mais cela ne doit pas leur coûter plus cher.

Il faut donc viser des solutions rentables pour tout le monde et qui sont en plus durables. Dans le domaine, il y a plein de pistes à creuser. Je sens que le secteur de la restauration durable bouge, mais qu’il est ralenti par des raisons économiques. Il faudra pas mal d’astuces, d’intelligence et de propositions pour que cela se développe.

Des pistes pour allier alimentation durable et économique ?

Se nourrir bien n’est pas forcément synonymes de produits onéreux. Heureusement, il existe des alternatives abordables pour consommer une alimentation durable.

Les conserves

Il y a une solution que je trouve géniale et dont on parle peu, ce sont les conserves. Elles ont l’avantage d’allier saisonnalité et prix attractif puisqu’elles permettent d’acheter les fruits et légumes à la bonne saison quand ils sont les meilleurs et les moins chers. En plus, leur stockage ne coûte rien et est bien plus écologique que la congélation. Réaliser soi-même ses bocaux est donc pour moi une piste très intéressante.

La cuisine végétale

L’alimentation végétale progresse et c’est aussi une direction à creuser pour allier durabilité et cuisine économique. À condition de s’affranchir des substituts de viande industriels, chers et pas vraiment recommandés d’un point de vue nutritionnel. Sur la cuisine végétale il faut donc promouvoir les fruits, légumes et légumineuses cuisinées.

Et dans le domaine il y a un véritable besoin de formation, car pour de nombreux chefs, le végétal n’est encore aujourd’hui qu’un accompagnement à la viande ou au poisson. Pas un plat à part entière. Il y a donc une nouvelle culture à inventer. Pour cela, il est intéressant d’aller piocher dans les cuisines du monde pour s’inspirer de recettes mais aussi de produits encore méconnus. Un exemple : lorsqu’il n’est pas mûr, le jacquier ou jack fruit (très présent en Asie) peut être cuisiné comme de la viande…

La cuisine anti-gaspi

La cuisine anti-gaspi est un bon levier pour mobiliser les restaurateurs autour de l’alimentation durable. Tout le monde veut l’adopter parce que c’est une démarche logique et rentable. Il y a un vrai travail de compilation des bonnes idées à faire pour permettre à tout le monde de s’en inspirer à son échelle.

Aujourd’hui on a des plateformes comme Too Good To Go ou Phenix qui permettent de ne plus jeter le surplus, mais aussi des initiatives originales de réemploi des produits. Le pain ne finit plus à la poubelle, il est transformé en croûtons, pain perdu, chapelure ou transformé en chapelure pour refaire du pain ou même de la bière.

Quels sont les grands enjeux de la restauration durable aujourd’hui ?

Aujourd’hui la restauration durable ne concerne pas seulement la qualité des produits. La transmission des valeurs et la préservation environnementale participent aussi à une démarche durable.

La dimension humaine

La restauration durable englobe de nombreuses thématiques. Sur le côté humain et notamment le management, on constate de vrais progrès. Pour être honnête, c’est un peu sous la pression médiatique et sociale. Dans une période où il est difficile de recruter, de grands efforts sont déployés sur la gestion des équipes. Les chefs autrefois réputés pour leurs caractères tranchants sont aujourd’hui davantage tournés vers un management bienveillant.

Les emballages et déchets

Sur les emballages, la gestion des déchets, il y a encore des solutions à trouver. Des exemples montrent que cela est possible, comme cela a été le cas avec la disparition des pailles ou leur remplacement par des alternatives écologiques, très bien acceptées par les consommateurs. Du côté de la vaisselle jetable en revanche, ce n’est pas simple. Et l’enjeu est d’autant plus important que la VAE se développe à vitesse grand V.

Dans le principe, l’idée de remplacer par des contenants moins polluants, voire biodégradable est bonne, mais dans la réalité, les matériaux sont plus lourds et moins pratiques à transporter. La consigne représente une autre solution, mais elle est plus chère et compliquée à mettre en place… Pour le moment, le système n’est pas efficace car on n’a pas forcément envie de retourner dans l’établissement en question.

Comment fait-on alors pour retourner son contenant ? Est-ce que tout le monde doit avoir la même vaisselle ? Bref, il y a beaucoup de solutions plus ou moins vertueuses, mais rien de génial pour le moment.

Le choix des produits

Du côté des aliments, j’ai l’impression que c’est la politique du prix qui prime actuellement, plus que le locavorisme ou les produits labellisés bio, par exemple. De plus, les consommateurs ne sont pas encore prêts à se priver de produits venus de l’autre bout de la planète comme le café, le chocolat ou la vanille… En revanche, sur une note plus positive, on mange de plus en plus de légumes de saison. C’est vrai pour les tomates notamment qu’on ne consomme presque plus en hiver.

Côté pêche, des raisons économiques poussent de plus en plus les chefs à se détourner de poissons très chers comme la sole, le saint-pierre ou le bar, menacés par la surpêche. À la place, on se tourne vers des ressources plus abondantes comme les sardines, le poulpe, les encornets ou vers des poissons plus modestes comme le maigre, la vieille ou le chinchard.

Du côté des restaurateurs comme des clients, les mentalités changent. La réalité économique reste quant à elle toujours aussi pesante. Alors, pour faire de la restauration durable une généralité, pas de doute, il faudra en faire une restauration accessible à tous.