Restauration durable :
tendances, défis et solutions accessible

Par Lydie, le 25 avril 2024

L'alimentation des Français représente 16 à 24 % de leur empreinte carbone selon l’ADEME. Entre innovations, tendances et réalités économiques, Rémy Lucas, psychosociologue de l’alimentation et fondateur du cabinet de conseil Cate Marketing, décortique le rôle crucial du secteur de la restauration dans la transition écologique.

Quelle place occupe la restauration durable en France en 2024 ?

Je constate une envie des restaurateurs d’être plus vertueux. Cela se ressent dans tous les types d'établissements, que ce soit en termes de RSE ou de durabilité de l’alimentation. On a envie de faire différemment d’autrefois. Et ce constat est particulièrement vrai pour les chaînes. Les indépendants, eux, se disent qu’on vient chez eux pour leurs valeurs, leur cuisine et leur personnalité. Les chaînes en revanche ont davantage à prouver.


L’alimentation durable est-elle amenée à se généraliser ?

L’alimentation durable fait partie des préoccupations des consommateurs. Cependant dans un contexte économique d’inflation, les Français restent attentifs à leurs dépenses.

 

Alimentation durable vs alimentation abordable

Si les consommateurs sont de plus en plus sensibles aux enjeux écologiques et humains, ils sont aussi de plus en plus nombreux à plébisciter les enseignes qui proposent des prix bas. Le nombre croissant d’offres pour manger à 5 euros le prouve bien. 

 

L’argent est aujourd’hui le sujet de préoccupation numéro un des Français. Et si manger pas cher et vertueux est parfois possible, c’est le plus souvent contradictoire. Les restaurateurs sont donc tiraillés entre deux voies différentes. C’est l’arbitrage du moment.

Deux clientèles différentes

Les consommateurs sont des zappeurs, mais les dernières études montrent qu’une partie importante de la population, 15 à 20 % des consommateurs, sont régis par leur argent. C’est-à-dire qu’ils sont contraints. Pour eux, les considérations écologiques relèvent du luxe. 

 

Une autre partie des consommateurs avec assez de pouvoir d’achat va aller manger pas cher un jour et bio et labellisé le lendemain.

Trouver un terrain d’entente

Les solutions qui fonctionnent sont celles qui profitent à tout le monde. En revanche, les solutions qui ne coûtent qu’à un camp, restaurateurs ou consommateurs, ne sont pas vouées à se développer. Personne ne souhaite sacrifier son confort et sa manière de vivre. 

 

Les clients sont prêts à manger moins de viande, des poissons différents, moins de fraises quand ce n’est pas la saison... Ils sont matures sur ces changements, mais cela ne doit pas leur coûter plus cher. 

 

Il faut donc viser des solutions rentables pour tout le monde et qui sont en plus durables. Dans le domaine, il y a plein de pistes à creuser. Je sens que le secteur de la restauration durable bouge, mais qu’il est ralenti par des raisons économiques. Il faudra pas mal d’astuces, d’intelligence et de propositions pour que cela se développe.

Des pistes pour allier alimentation durable et économique ?

Se nourrir bien n’est pas forcément synonymes de produits onéreux. Heureusement, il existe des alternatives abordables pour consommer une alimentation durable.

 

Les conserves

Il y a une solution que je trouve géniale et dont on parle peu, ce sont les conserves. Elles ont l’avantage d’allier saisonnalité et prix attractif puisqu’elles permettent d’acheter les fruits et légumes à la bonne saison quand ils sont les meilleurs et les moins chers. En plus, leur stockage ne coûte rien et est bien plus écologique que la congélation. Réaliser soi-même ses bocaux est donc pour moi une piste très intéressante.

La cuisine végétale

L’alimentation végétale progresse et c’est aussi une direction à creuser pour allier durabilité et cuisine économique. À condition de s’affranchir des substituts de viande industriels, chers et pas vraiment recommandés d’un point de vue nutritionnel. Sur la cuisine végétale il faut donc promouvoir les fruits, légumes et légumineuses cuisinées. 

 

Et dans le domaine il y a un véritable besoin de formation, car pour de nombreux chefs, le végétal n’est encore aujourd’hui qu’un accompagnement à la viande ou au poisson. Pas un plat à part entière. Il y a donc une nouvelle culture à inventer. Pour cela, il est intéressant d’aller piocher dans les cuisines du monde pour s’inspirer de recettes mais aussi de produits encore méconnus. Un exemple : lorsqu’il n’est pas mûr, le jacquier ou jack fruit (très présent en Asie) peut être cuisiné comme de la viande…

La cuisine anti-gaspi

La cuisine anti-gaspi est un bon levier pour mobiliser les restaurateurs autour de l’alimentation durable. Tout le monde veut l’adopter parce que c’est une démarche logique et rentable. Il y a un vrai travail de compilation des bonnes idées à faire pour permettre à tout le monde de s’en inspirer à son échelle. 

 

Aujourd’hui on a des plateformes comme Too Good To Go ou Phenix qui permettent de ne plus jeter le surplus, mais aussi des initiatives originales de réemploi des produits. Le pain ne finit plus à la poubelle, il est transformé en croûtons, pain perdu, chapelure ou transformé en chapelure pour refaire du pain ou même de la bière.

Quels sont les grands enjeux de la restauration durable aujourd'hui ?

Aujourd’hui la restauration durable ne concerne pas seulement la qualité des produits. La transmission des valeurs et la préservation environnementale participent aussi à une démarche durable. 

 

La dimension humaine

La restauration durable englobe de nombreuses thématiques. Sur le côté humain et notamment le management, on constate de vrais progrès. Pour être honnête, c’est un peu sous la pression médiatique et sociale. Dans une période où il est difficile de recruter, de grands efforts sont déployés sur la gestion des équipes. Les chefs autrefois réputés pour leurs caractères tranchants sont aujourd’hui davantage tournés vers un management bienveillant.

Les emballages et déchets

Sur les emballages, la gestion des déchets, il y a encore des solutions à trouver. Des exemples montrent que cela est possible, comme cela a été le cas avec la disparition des pailles ou leur remplacement par des alternatives écologiques, très bien acceptées par les consommateurs. Du côté de la vaisselle jetable en revanche, ce n’est pas simple. Et l’enjeu est d’autant plus important que la VAE se développe à vitesse grand V. 

 

Dans le principe, l’idée de remplacer par des contenants moins polluants, voire biodégradable est bonne, mais dans la réalité, les matériaux sont plus lourds et moins pratiques à transporter. La consigne représente une autre solution, mais elle est plus chère et compliquée à mettre en place... Pour le moment, le système n’est pas efficace car on n’a pas forcément envie de retourner dans l’établissement en question.

 

Comment fait-on alors pour retourner son contenant ? Est-ce que tout le monde doit avoir la même vaisselle ? Bref, il y a beaucoup de solutions plus ou moins vertueuses, mais rien de génial pour le moment.

Le choix des produits

Du côté des aliments, j’ai l’impression que c’est la politique du prix qui prime actuellement, plus que le locavorisme ou les produits labellisés bio, par exemple. De plus, les consommateurs ne sont pas encore prêts à se priver de produits venus de l’autre bout de la planète comme le café, le chocolat ou la vanille… En revanche, sur une note plus positive, on mange de plus en plus de légumes de saison. C’est vrai pour les tomates notamment qu’on ne consomme presque plus en hiver.

 

Côté pêche, des raisons économiques poussent de plus en plus les chefs à se détourner de poissons très chers comme la sole, le saint-pierre ou le bar, menacés par la surpêche. À la place, on se tourne vers des ressources plus abondantes comme les sardines, le poulpe, les encornets ou vers des poissons plus modestes comme le maigre, la vieille ou le chinchard.

Du côté des restaurateurs comme des clients, les mentalités changent. La réalité économique reste quant à elle toujours aussi pesante. Alors, pour faire de la restauration durable une généralité, pas de doute, il faudra en faire une restauration accessible à tous.