Christian Têtedoie, partisan des économies d’énergie
Maison Têtedoie
Christian Têtedoie, Chef engagé pour des actions concrètes, du producteur au consommateur.
Dans un cadre exceptionnel sur les hauteurs de la ville de Lyon, le chef étoilé Christian Têtedoie officie au sein de son restaurant gastronomique. Fervent défenseur d’une transition intelligente vers le durable, il nous donne ses astuces pour mettre en place des économies d’énergie au sein de son établissement.
COMMENT ÊTES-VOUS DEVENU CHEF ?
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu être cuisinier. Cela provient peut-être aussi de ma gourmandise légendaire ! Étant issu de la campagne, j’ai grandi à la ferme où j’ai pris l’habitude de manger de bons produits.
J’ai commencé à cuisiner très jeune : j’ai eu la chance de grandir dans une grande famille avec sept enfants, les parents et les grands-parents au moment des repas, ainsi que les ouvriers agricoles. On était une bonne vingtaine à table ce qui faisait finalement déjà comme un petit restaurant en soit. J’avais toujours le nez dans les casseroles et mon père a fini par aller en parler à notre voisin qui était chef deux étoiles. C’est comme cela que tout a commencé pour moi.
ON VOUS PRÉSENTE SOUVENT COMME UN DÉFENSEUR DES TRADITIONS CULINAIRES FRANÇAISES, EST-CE UNE DÉFINITION QUI VOUS CORRESPOND ?
Oui, je pense. Et j’en suis fier ! Nous ne sommes finalement que les modestes héritiers d’un savoir-faire ancestral. Nous marchons dans les pas de cuisiniers brillants qui ont réussi bien avant nous à codifier les produits en une cuisine de qualité, en ayant de cesse de chercher à les magnifier.
LA STAR DE VOTRE CUISINE, C’EST JUSTEMENT LE PRODUIT : EST-CE QUE VOUS POUVEZ NOUS EN DIRE PLUS SUR L’ORIGINE ET L’UTILISATION DES PRODUITS QUE VOUS PROPOSEZ À LA CARTE ?
En résumé, nous ne nous interdisons rien, mais nous recherchons toujours le meilleur produit le plus près de chez nous. C’est la règle de base au sein de mes établissements. Bien sûr, si nous décidons de cuisiner du homard, nous n’allons pas le chercher dans le Rhône puisqu’il n’y en a pas ! C’est la même chose avec le chocolat. Nous ne sommes donc pas obsédés par le locavore, mais nous faisons tout de même très attention.
J’ai notamment changé le fonctionnement de mes restaurants : nous n’avons plus de carte établie à l’avance, nous créons nos menus en fonction des produits. Par exemple, si une éleveuse de vache charolaise nous propose une bête magnifique, nous nous en occuperons pendant trois semaines en utilisant et magnifiant tous les morceaux. Je reste intransigeant avec la qualité et ça m’a guidé tout ma vie : je suis obsédé par le fait de trouver les meilleurs produits possibles.
VOUS AVEZ À CŒUR DE FAIRE RIMER GASTRONOMIE ET DURABILITÉ : COMMENT EST NÉ CET ENGAGEMENT ?
Il y a une dizaine d’années, j’ai fait un petit point sur ma carrière avec l’ambition de rester toujours un peu à la pointe, notamment parce que tous les chefs qui ne se remettent pas en question deviennent « has been ». Mais aussi parce que j’ai beaucoup de jeunes dans mon équipe de 200 personnes : ça motive et ça oblige.
Mon engagement est aussi né d’une rencontre assez décisive avec Jean-François Tedesco, qui a créé en 2017 une plateforme appelée « Mes producteurs, mes cuisiniers », mettant en relation les producteurs avec les cuisiniers et les consommateurs.
J’ai ainsi fait de belles rencontres avec des producteurs, des éleveurs et des cultivateurs passionnés. Nous nous réunissons une fois par an et nous choisissons, par exemple, les variétés de semis tout en réfléchissant aux manières de les protéger des changements climatiques et de conserver leur qualité.
COMMENT AVEZ-VOUS RÉUSSI À FAIRE BAISSER LES DÉPENSES ÉNERGÉTIQUES DE VOS ÉTABLISSEMENTS ?
Nous avions eu cette réflexion avec mes équipes en amont des hausses sur la facture énergétique et nous avions alors décidé de mettre en place des actions concrètes pour diminuer la consommation d’énergie au sein de nos restaurants.
Nous avons par exemple fait tout ce qui était possible au niveau de l’éclairage : installation de LED, mise en place de détecteurs de mouvement dans les zones les moins utilisées, etc. Nous avons aussi séparé les zones de chauffage et de climatisation pour dépenser moins.
Concernant l’eau, nous avons innové avec un système de production d’eau chaude plus économe, mais aussi l’installation de mousseurs et de détecteurs de fuite sur le système. À l’avenir, nous souhaitons réaliser d’autres travaux encore plus importants pour éviter la déperdition de chaleur sur les nombreuses vitres de notre restaurant panoramique.
QUELLES AUTRES ACTIONS DURABLES AVEZ-VOUS INITIÉES DANS VOS RESTAURANTS ?
Des choses assez simples : nous récupérons tous nos déchets organiques pour en faire du compost, même les restes éventuels des assiettes de nos clients. Nous recyclons aussi tous nos cartons, nos cageots et même le polystyrène.
Autre exemple : quand c’est possible, nous récupérons les graines sur nos légumes comme les piments, les poivrons, les courges… Nous les faisons sécher pour les donner ensuite aux producteurs afin qu’ils les plantent.
QUELS CONSEILS POURRIEZ-VOUS DONNER AUX RESTAURATEURS QUI SOUHAITENT EUX AUSSI FAIRE LA CHASSE AU GASPILLAGE ÉNERGÉTIQUE ?
Il ne faut pas hésiter à se lancer. La solution la plus simple, finalement, c’est d’échanger avec des confrères pour se renseigner et avoir de bonnes idées. Il faut libérer la parole sur ces sujets.